Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours le peuple entier, furent forcés de fléchir devant un simple officier du peuple, qui n’avait ni auspice, ni juridiction. » Voilà la magistrature que Babeuf se proposait de se faire décerner par le peuple insurgé après la victoire ; il eût été, comme cela se trouva écrit en forme lapidaire dans les papiers de la conjuration :

Gracchus
Babeuf
premier
Tribun.


Et, comme tel, il eût repris la dictature anonyme de Robespierre ; il eût été, quand et comme il l’eût voulu, l’organe du droit de nature, supérieur à tous les pouvoirs de l’Etat, même à la souveraineté populaire. Premier tribun ; premier consul ! Des ambitions effrénées se cachaient sous cette parade de titres républicains empruntés à l’antiquité.

Les rapports de la République des Egaux avec les autres États n’eussent point été facilités par l’exécution de l’article 12 de l’acte insurrecteur. « Toute opposition sera vaincue sur-le-champ par la force. Les opposants seront exterminés. Seront également mis à mort… les étrangers de quelque nation qu’ils soient qui seront trouvés dans les rues, etc… » Cela, pour le jour de l’insurrection. L’ordre rétabli, on se bornera à les enfermer : les îles Marguerite, Honoré, Hyères, Oléron et Ré, « seront converties en lieux de correction où seront envoyés pour être astreints à des travaux communs les étrangers et les individus arrêtés. Ces îles seront rendues inaccessibles. » Mais quelle est la cause de ces mesures qui nous paraissent extravagantes ? Buonarroti nous donne une raison telle, qu’on voit très clairement qu’il n’en a pas de bonne. « Cette précaution à l’égard des étrangers était dictée non par un esprit malveillant d’isolement, mais par le désir de mieux remplir