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où la vertu parfaite régnera sur les cœurs régénérés. Les politiques, plus encore que les philosophes, avaient le souci de concilier le type gréco-romain avec la réalité moderne. Dans les assemblées, nous l’avons vu, sans cesse on mettait en présence l’idéal et le possible ; non l’idéal futur, mais l’idéal rétrospectif alors populaire, et l’on reconnaissait généralement que l’idéal dont les cités antiques offrent l’image vivante, avait cessé d’être possible depuis que les sociétés s’étaient à la fois accrues et enrichies, et que les âmes s’étaient dégradées par une longue pratique de la propriété individuelle. On se résignait au fait de la richesse et de l’inégalité en déplorant la corruption des hommes d’aujourd’hui et leur oubli des enseignements de la nature.

Babeuf et Buonarroti ne voulaient pas se résigner. Ils a étaient donc dans la nécessité de montrer que la « vertu » et la civilisation ne sont point incompatibles ; et c’est ainsi que le principal effort de leur utopie est de déterminer par quelle organisation politique un État moderne peut, sans revenir entièrement aux formes et aux proportions des cités antiques, pratiquer comme elles la vertu et faire régner l’égalité.

Articles organiques. — Deux articles constitutionnels dominent toute la nouvelle organisation sociale.

1o Suppression de la propriété individuelle. — D’abord la propriété individuelle aura disparu. Non par un coup de force, mais doucement, graduellement, il le dit du moins, et par l’effet combiné d’une sage autorité et de la persuasion. Il sera établi une grande communauté nationale dans la République[1]. Elle aura la propriété des biens ci-dessous, savoir : les biens qui étant déclarés

  1. Buonarroti, Fragment d’un projet de décret économique, t. II, p. 3, et Histoire de la Conspiration, t. I, p. 311.