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son application, est plus rémunéré que d’autres. Un ouvrier qui travaillerait comme quatre et voudrait être payé comme quatre serait un scandale : « La sagesse ordonne impérieusement à tous les coassociés de réprimer un tel homme, de le poursuivre comme un fléau social, de le réduire au moins à ne pouvoir faire que la tâche d’un seul pour ne pouvoir exiger que la récompense d’un seul[1]. »

Et alors se posent les principes véritables, les vérités essentielles du droit de nature en ce qui concerne la constitution des sociétés. Si l’on admet avec notre réformateur que la société peut tout ce qu’elle veut pour le bien de ses membres, que ceux-ci peuvent lui refuser leur concours dès qu’elle ne réalise plus la condition qu’ils lui ont posée de les rendre heureux, que le droit enfin consiste, comme nous venons de l’exposer, précisément dans l’accomplissement de cette condition, il est évident que la société qui peut tout et qui surtout peut se modifier indéfiniment elle-même, doit instantanément se conformer à ces règles fondamentales et donner satisfaction au droit. En d’autres termes le bonheur individuel étant tout le droit et toute la justice, le précepte majeur de l’action politique sera de travailler à réaliser ce bonheur coûte que coûte et à bannir de la société tout ce qui l’altère ou le menace, d’obéir en ce sens au droit et de lutter contre les ennemis du droit, bref de pratiquer la vertu et de combattre le vice. La morale absorbe la politique : il n’y a plus dans la société que des bons et des méchants. Les dissentiments entre les citoyens ne viennent que de leur plus ou moins de vertu. — Ce qu’il y a de curieux, c’est que ces conclusions sont présentées au nom d’une doctrine à priori, sans doute, mais non transcendante. Comme Buonarroti, quoique plus faiblement, Babeuf est spiritualiste ; il croit à une vague

  1. Défense, p. 38 et 39.