Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/320

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’expérience et de la réflexion, » il diffère donc de l’état de nature qui est « le produit des premières impressions et de l’ignorance. » Avec la réflexion naissent les conventions sociales. La société étant « l’association réglée par des conventions, » ou des lois, suffit-il que l’acceptation soit générale pour fonder le droit ? Là encore la pensée de Buonarroti et de Babeuf hésite entre deux solutions. Ils soutiennent que les lois sont l’objet le plus important de l’activité sociale, car « c’est par elles que la société vit et se meut[1] ; » un de leurs griefs contre la Constitution de l’an III c’est qu’elle a été « étançonnée seulement par 800,000 sunrages, » tandis que la Constitution de 1793 en a recueilli quatre millions. Cependant les premières conventions, qui ont fondé la propriété individuelle, ont été néfastes. Et si les intentions du peuple, quand il légifère, sont nécessairement droites, cependant, étant composé d’hommes, il peut se tromper[2] : En réalité, les conjurés philosophes s’arrêtent à l’idée de Montesquieu que ce qui est de droit est ce qui est rationnel, conforme à la nature des choses. Or les hommes ne peuvent entrer dans une société qué pour un seul motif. Ils acceptent le pacte social pour être heureux. « Le bonheur est le seul but de la société, » il est la clause fondamentale du pacte social, clause dont la violation entraîne de droit la rupture du pacte. « C’est là en entier la loi et les prophètes. Je défie qu’on me dispute que les hommes, en se réunissant en association, aient pu avoir d’autre but, d’autre volonté que celle d’être tous heureux. Je défie qu’on me soutienne qu’ils auraient consenti à cette réunion si on les eût prévenus qu’il serait formé des institutions dont le résultat dût être que’bientôt le plus grand nombre porterait toute

  1. Buonarroti, I, p. 232.
  2. Buonarroti, t. I, p. 268. Il répète Rousseau, Contrato social, livre II, ehap. iii.