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préférence à Jean-Jacques Rousseau. Il a passé de longues heures pendant ces quarante jours, si remplis déjà par les préparatifs précipités de la conjuration, à s’entendre avec Buonarroti sur ces questions de philosophie sociale, sur les principes comme on disait alors, comme on dira pendant plus de soixante ans, et sur l’organisation de la cité future. Nous allons rencontrer en exposant cette doctrine les thèmes bien connus de la philosophie du xviiie siècle, le pacte social, l’état de nature, le droit naturel ou les droits de l’homme, les lois qui assurent l’égalité, la théorie de la souveraineté, la théorie de la Révolution, et la construction politique qui suivra ne sera en apparence qu’une déduction de ces principes. Toute cette philosophie donne à la conjuration une physionomie originale et permet de la rapprocher sans désavantage des grandes discussions d’ordre général qui ont préludé aux actes les plus importants de la Révolution.

Du pacte social. — Le postulat du système est que l’état social est le produit d’une volonté délibérée de chacun des participants. On entre dans la société ou on s’en abstient, on y reste ou on en sort, selon qu’on y trouve ou non tels et tels avantages positifs. Ce pacte est réel ou tacite[1] ; mais eût-il été passé sous silence, il n’en existe pas moins, parce que rien ne peut enchaîner la liberté de l’homme non seulement d’une génération à l’autre, mais encore d’un moment à l’autre et qu’il peut toujours dénoncer le contrat, s’il cesse d’y trouver les avantages qu’il en attend.

De l’état de nature. — Nos auteurs ne nous disent pas ce que devient l’homme qui a rompu le pacte, ni où il retrouve l’état qu’il a quitté pour entrer dans l’état social. Ils ont quelque lumière sur l’état insocial qui précède la

  1. Buonarroti, I, p. 257. Défense, p. 24.