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promises, lesquelles je ne peux lui rendre verbalement, parce qu’elles exigent des développements qui ne se présenteraient pas bien à ma mémoire, et qui seraient peut-être susceptibles de n’être pas saisies dans toute leur précision et transmises de même à l’autorité à laquelle je désire qu’elles passent. Je demande que le ministre ordonne qu’il me soit laissé de l’encre pendant deux heures dans ma chambre de l’Abbaye et qu’il m’envoie chercher demain matin 24, comme je le lui ai demandé, pour lui communiquer ce dont il est question[1]. » De quoi pouvait-il être question entre eux qui fût en même temps à l’avantage du Directoire et conforme à la dignité de Babeuf ?

Le 26 messidor (14 juin) il était plus calme. Il commençait à se rendre compte de la situation. Il comprenait que sa condamnation était inévitable et il écrivait à Félix Le Peletier qui était riche et avait été le bailleur de fonds de l’entreprise, pour lui recommander sa femme et ses enfants. Que celle-ci puisse, grâce à la libéralité de son ami, entreprendre un commerce « très subalterne, » que ses enfants soient élevés pour devenir « de bons et de paisibles artisans, » qu’elle et eux reçoivent de quoi l’accompagner jusqu’au lieu de son procès et « jusqu’au pied de l’autel où il sera immolé, » tels sont ses vœux. « Gracchus Babeuf n’a jamais été ambitieux pour lui ni pour les siens ; il ne l’a été que de procurer quelque bien au peuple. » « Ma conscience me dit que je suis pur et mes vrais amis, c’est-à-dire quelques hommes justes, savent que je n’ai rien à me reprocher. » Après des récriminations assez amères contre les républicains tièdes, « ces faux frères, ces apostats de notre sainte doctrine, » qui ont renié le réformateur et l’ont considéré « comme un misérable

  1. Archives, F. 7, 4278.