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retrouvait, il ne savait pas de quelle maison son ami venait de sortir : l’occasion était manquée.

Le jour même où deux officiers offraient au comité de salut public de poignarder les Directeurs (le 15 floréal), un autre officier très engagé dans la conspiration, soit qu’il éprouvât des remords patriotiques, soit qu’il voulût simplement se dégager de toute compromission par la seule voie qui lui restât ouverte, Grisel, capitaine dans l’un des régiments campés à, Grenelle, dénonça le complot à Carnot. Celui-ci l’adressa le 17 au ministre de la police avec un billet qui nous a été conservé : « Je vous envoie, citoyen ministre, le citoyen Grisel dont je vous ai parlé. Il a à vous donner les renseignements les plus importants. Il a à vous parler ce soir même, je vous prie de l’entendre. Salut et fraternité. » Grisel ne pouvait renseigner le gouvernement qu’en continuant à prendre aux dernières dispositions des conjurés la part la plus active. Nous avons vu qu’il était l’un des généraux de l’insurrection ; il assistait à toutes les réunions du comité. Le 19, à neuf heures du soir, une séance du comité eut lieu chez Drouet, place des Piques. Grisel osa s’y rendre : « son assurance et sa verbosité écartaient de lui tous les soupçons[1]. » Avec lui prenaient part au conciliabule Babeuf, Buonarroti, Darthé, Didier, Fillon, Massart, Rossignol, Robert Lindet, Drouet, Ricord, Laignelot et Javogues. Un membre, probablement Buonarroti, prononça un discours à la Salluste « Souvenez-vous, dit l’orateur aux conjurés, de vos serments souvenez-vous des maux produits par l’oubli des principes que vous jurâtes de sceller de votre sang. Le moment de tenir vos engagements est venu ; il faut combattre. » Et il fit une sorte d’historique de la conjuration. Il ajouta : « Tous les bons nous sont connus ; les

  1. Buonarroti, t. I, p. 180.