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était pas douteuse. Quant aux canonniers de Vincennes et aux troupes du camp de Grenelle, l’espoir de les entraîner dans un mouvement insurrectionnel était absolument chimérique, comme l’événement le prouva peu de temps après.

Les conjurés sentaient eux-mêmes l’insuffisance de leurs moyens d’action et c’est ce qui les obligeait à reculer de jour en jour le moment décisif. Le 18 floréal le « directoire de salut public » expliquait ses retards aux agents des douze arrondissements (19e pièce, c’est la lettre que nous avons déjà citée pour les négociations avec les Montagnards) et il leur disait : « Nous pourrions nous contenter de vous dire qu’en jetant les yeux sur nos moyens d’attaque nous avions des raisons fondées pour les croire e insuffisants et c’est ce qui a dû nous faire un devoir bien précis d’arrêter un élan patriotique qui pouvait devenir le signal de l’extermination des démocrates ; d’autant plus que les leçons terribles de Germinal et de Prairial doivent être constamment devant les yeux des républicains et qu’il ne faudrait plus qu’une pareille leçon pour les perdre à toujours… » En effet c’était une raison suffisante d’ajourner l’attaque que la certitude d’être battus. Mais une proposition qui fut faite au directoire de salut public lui offrit un moyen excellent (à son point de vue) d’entamer l’action. Deux officiers de la légion de police offrirent de poignarder dans la nuit même les membres du Directoire, auprès duquel l’un d’eux était de garde avec un détachement de soldats « patriotes » : ils demandaient qu’on les soutînt par un corps de démocrates et qu’on commençât ainsi l’insurrection. Les conjurés refusèrent : « Rien ne devait être tenté, dit Buonarroti, qu’au moment où le concours simultané de toutes les mesures rendrait la victoire presque certaine[1]. » Nous sommes disposé à

  1. Tome I, p. 164. Babeuf dit dans le procès, que le capitaine