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avaient le même dessein, ils songeaient à tirer parti de cette coïncidence. Ils espéraient obtenir tout au moins la neutralité des bataillons de la garde nationale favorables à la réaction ; peut-être même pourraient-ils les entraîner à une action commune ? Dans cette vue le comité insurrecteur recommandait de déployer d’abord, au jour de la délivrance, des bannières portant des inscriptions comme : Armée du peuple ; À bas les tyrans ; Vengeance du peuple, inscriptions que les royalistes eussent pu accepter, étant connue la popularité de l’air « Tremblez tyrans et vous perfides… ; » puis « lorsque le succès se décidera pour la cause populaire, de faire paraître d’autres bannières avec d’autres inscriptions, comme : Constitution de 1793 ou la Mort ; Bonheur commun ; Victoire du peuple, celles-ci propres exclusivement à l’insurrection égalitaire et jacobine. On voulait donc se ménager la collaboration des royalistes, sauf à les supplanter ensuite. Dans ces dispositions, le reproche d’être une conjuration royaliste ne pouvait manquer de toucher nos conjurés ; ils étaient surtout furieux d’entendre parler de la Terreur blanche et des menaces de plus en plus insolentes du parti de Vérone ; c’était selon eux jouer du spectre blanc et détourner l’attention des questions sociales, les seules importantes. Le péril existait cependant et s’ils ne voulaient pas qu’on en parlât, c’est que rien ne pouvait l’aggraver autant que leurs agissements. Cela les mettait dans une fâcheuse posture devant l’opinion républicaine et ils le sentaient[1].

  1. Pour les rapports de la conspiration avec le parti royaliste, voyez Buonarroti, t. I, p. 144 ; « …ils (les républicains de gouvernement) prétendaient qu’on oubliât les droits du peuple pour ne songer qu’aux complots des royalistes… » et p. 163, t. II. P. 240 « Citoyens, écoutez bien cette vérité. Ne craignez pas tant les royalistes dans le Sénat : ils nous servent. » Sur les bannières, voir p. 256, t. II, 17e pièce.