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des dissensions intestines. L’arrangement avec les Montagnards du 18 floréal était la clôture in extremis de difficultés qu’on avait cru aplanies et qui, à la veille de l’explosion, s’étaient réveillées plus vives que jamais. Cet arrangement avait laissé de part et d’autre des souvenirs si amers et tant de défiances que ce même soir Babeuf envoyait à ses agents une lettre écrite dans la journée, pleine de récriminations contre les ex-conventionnels, où il les accusait d’appuyer leurs prétentions sur les plus misérables sophismes et recommandait à ses compagnons d’entourer au jour de la révolte le comité insurrecteur d’une grande masse de force populaire pour déjouer au besoin les tentatives des Montagnards et placer dans la nouvelle assemblée une majorité de démocrates « à côté du squelette conventionnel. » En, post-scriptum, à neuf heures du soir, il ajoutait : « Nous apprenons à l’instant que les Montagnards se rendent à nos arguments. Ils consentent définitivement à tout ce que nous voulons : ainsi l’on va presser extraordinairement les moments. La conclusion de notre lettre relative à la démarche du peuple en masse à la suite du comité insurrecteur, cette conclusion, disons-nous, tient toujours et la mesure qu’elle demande vous est très particulièrement recommandée[1]. » Donc dans le camp babouviste, une lutte intestine, passionnée, remplaçait à la veille de la bataille les embrassades des premières réunions. C’était enfin une cause de faiblesse pour les conjurés que leurs relations indécises et de toute façon compromettantes avec la faction royaliste. On les avait accusés de travailler pour la royauté. Eux-mêmes n’étaient point des royalistes sans aucun doute. Mais ils étaient partis en guerre pour renverser un gouvernement républicain et rencontrant sur leur route les royalistes qui

  1. Buonarroli, t. II, p. 270, 19e pièce.