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grand point était de réussir ! » Quant à la saisie des vivres contenus dans les magasins et à leur distribution au peuple insurgé, il ne faut pas les confondre avec le pillage, puisqu’elles seraient opérées en vertu de la loi. Il en serait de même de la distribution des logements et des habillements ; elle n’aurait pas les effets immoraux du pillage (lequel d’ailleurs a cela’surtout de mauvais qu’il comporte des inégalités), puisqu’elle serait « régulière »[1].

L’insurrection devait en somme avoir pour effet immédiat, non seulement d’appliquer la Constitution de 1793, mais de remettre les choses où elles en étaient le 8 thermidor (Buonarroti le déclare formellement), d’abolir toutes les lois et tous les décrets rendus depuis cette date, de relever le gouvernement révolutionnaire, de rendre leurs places à tous les fonctionnaires jacobins destitués, de réinstaller les comités révolutionnaires, c’est-à-dire, en somme, de reprendre la suite de Robespierre et des comités, en accentuant le caractère social et égalitaire de leur politique, en faisant plus que jamais des sans-culottes, entendez du personnel révolutionnaire des grandes villes, les maîtres de toutes les ressources du pays et les arbitres du sort de tous les citoyens.

Tel était le programme un peu chargé du premier jour de l’ère nouvelle. Il supposait d’un bout à l’autre ou que le gouvernement se laisserait faire ou que les troupes ne tireraient pas, ou que s’il y avait une résistance, elle serait facilement surmontée. Sur ces différents points l’optimisme des conjurés comportait une grande part d’illusion.

Contre les anarchistes comme contre les royalistes, le Directoire se défendait et il frappait quand il le fallait. Il avait signalé par un manifeste à la population avide de

  1. Tome I, pages 156 et 195.