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l’imitation du Discours sur l’Inégalité ; rien n’est nouveau chez lui, pas même son athéisme, car d’Holbach invoquait, lui aussi, la « nature », c’est-à-dire la perfection primitive, sans croire en un Dieu parfait placé à l’origine des choses, ce qui ressemble bien à une inconséquence. Platon est le premier ancêtre de tous ces rêveurs de paradis perdu.

Si l’incrédulité philosophique de Sylvain Maréchal se fût dévoilée dès lors[1], elle eût provoqué dans le parti de nouvelles discussions. Babeuf n’en eût pas été vive-

    coalisés contre lui : il en fera de même aux nouveaux tyrans, aux nouveaux tartufes politiques assis à la place des anciens.
    « Ce qu’il nous faut de plus que l’égalité des droits ?
    « Il nous faut non pas seulement cette égalité transcrite dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, nous la voulons au milieu de nous, sous le toit de nos maisons. Nous consentons à tout pour elle, à faire table rase pour nous en tenir à elle seule. Périssent s’il le faut tous les arts, pourvu qu’il nous reste l’égalité réelle !
    « La loi agraire ou le partage des campagnes fut le vœu instantané de quelques soldats sans principes, de quelques peuplades mues par leur instinct plutôt que par la raison. Nous tendons à quelque chose de plus sublime et de plus équitable, le bien commun ou la communauté des biens ! Plus de propriété individuelle des terres, la terre n’est a personne. Nous réclamons, nous voulons la jouissance communale des fruits de la terre : les fruits sont à tout le monde.
    « Nous déclarons ne pouvoir souffrir davantage que latr ès grande majorité des hommes travaille et sue au service et pour le bon plaisir de l’eui-ême minorité.
    « Assez et trop longtemps moins d’un million d’individus dispose de ce qui appartient à plus de vingt millions de leurs semblables, de leurs égaux.
    « Qu’il cesse enfin, ce grand scandale que nos neveux ne voudront pas croire ! Disparaissez enfin, révoltantes distinctions de riches et de pauvres, de grands et de petits, de maîtres et de valets, de gouvernants et de gouvernés.
    « Qu’il ne soit plus d’autre différence parmi les hommes que celle de l’âge et du sexe ! Puisque tous ont les mêmes besoins et les mêmes facultés, qu’il n’y ait plus pour eux qu’une seule éducation, une seule nourriture. Ils se contentent d’un seul soleil et d’un air pour tous ; pourquoi la même portion et la même qualité d’aliments ne suffirait-elle pas à chacun ? »

  1. Elle ne se découvrira que quatre ans plus tard, en 1800.