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qu’ils aient le nécessaire, il l’étende à tous pour que nul n’accapare au delà du nécessaire. Ainsi la communauté des biens et des tâches s’introduit naturellement comme un corollaire du droit à l’assistance et au travail, comme le seul moyen de fonder l’égalité d’une manière durable.

Nous voyons ce passage s’opérer dans l’esprit d’un des Montagnards de la conspiration, ancien membre du Comité de sûreté générale, Amar. On lui parle d’établir l’égalité ; il consulte ses souvenirs, il se rappelle ce que faisait pour cela le gouvernement révolutionnaire et il approuve. « Amar qui avait vu la Convention nationale pourvoir aux besoins urgents de la Patrie par la taxe des objets vénaux, par les contributions révolutionnaires et les réquisitions s’ur les riches, vantait cette manière d’enlever, ce sont ses propres mots, le superflu qui encombre les canaux trop remplis pour le rendre à ceux qui manquaient du nécessaire. » Mais ce n’est là, lui dit-on, qu’un palliatif, qu’un expédient. Tant que la propriété subsiste, l’inégalité se refait toujours. Alors on lui expose l’idée du communisme ; on lui fait lire l’ouvrage de Debon sur ou plutôt contre la propriété. « Il parut frappé d’un trait de lumière : à la première énonciation de ce système, il en devint le défenseur enthousiaste ; et ne songeant plus qu’à en justifier et à en propager les principes, il porta en peu de temps la chaleur de son zèle jusqu’à s’en faire en public l’apologiste fougueux[1]. »

Une autre conversion nous permet de saisir sur le fait le passage de l’individualisme absolu au communisme. C’est cette d’Antonelle. Dans une discussion publiquequ’il soutint contre Babeuf, l’un et l’autre invoquaient l’autorité de Platon, mais le premier s’en tenait au programme mitigé des Lois, le second voulait qu’on allât

  1. Buonarroti, t. I, p. 85.