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passage par les forts de la halle. Dès lors il se cacha plus attentivement, fit imprimer son journal dans des caves où il vivait et réussit à le distribuer clandestinement. Au Tribun du Peuple, il avait joint à partir de ventôse avec l’aide de Simon Duplay, l’Eclaireur du Peuple ou le Défenseur de 24 millions d’opprimés. L’arrestation de sa femme qui tenait un bureau de vente et de distribution, arrestation suivie de mauvais traitements, mais qui ne fut pas maintenue, ne fit que fournir au parti un sujet de discours indignés[1]. Il tint en échec pendant plusieurs mois tout l’effort d’une police mal faite. Certainement si les Egaux réussirent à provoquer quelque agitation dans les esprits en avivant le sentiment des maux présents, c’est à la plume de Babeuf qu’ils le durent. Le peuple s’émut. Les uns dirent : « Nous étions plus heureux avant la Révolution ; » mais plusieurs dirent aussi : « Nous souffrions moins avant Thermidor ; la Convention avait soin des malheureux ! » Ou encore : « Sous Robespierre, le peuple avait du pain ![2] »

C’est de même à Babeuf que le parti dut son organisation définitive en vue de l’action. Il ne devait pas penser tout d’abord à un mouvement à ciel ouvert. Depuis Prairial, la Convention disposait d’une force régulière les sections hostiles avaient été désarmées : le faubourg Antoine avait dû livrer ses canons. Les associations étaient interdites par la loi. Les Jacobins ne pouvaient préparer l’attaque du gouvernement que dans le plus grand secret. Aussi conspiraient-ils de toutes parts. « Il n’y avait pas à cette époque, dit Buonarroti[3], un véritable républicain qui ne

  1. Le rapport de Lamaignère, juge de paix de la section des Champs-Elysées, sur cette arrestation, se trouve dans la collection de M. Charavay. Elle a eu lieu le 16 pluviôse an IV (15 février 1796).
  2. Rapports de police, t. II, p. 389.
  3. La Conspiration pour l’Égalité, t. I, p. 95.