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fiance. Des bruits d’amnistie circulent ; ils seront bientôt libres ! On va mettre sans désemparer la main à « la grande affaire ! » On sauvera la République ! On rendra au peuple ses droits ! On fera le bonheur non seulement de ce malheureux pays de France, mais de proche en proche des peuples les plus éloignés ! Ils donneront leur vie sans regret, pour ce grand changement. « Ah ! mon ami, ne penses-tu pas que nous pouvons tout entreprendre, tout oser, avec le sentiment d’un entier dévouement ?… En deux mots, j’ai promis, j’ai la foi, je suis prêt. »

    des hommes accusés de bassesse, d’intrigues, d’espionnage, etc. Voilà pourquoi les récompenses pécuniaires, presque toujours accordées au vice, y produisent tant de vicieux, et pourquoi l’argent a toujours été regardé comme une source de corruption.
    « Dans un pays où l’argent n’a pas cours, il est facile d’encourager les talents et les vertus et d’en bannir les vices.
    « Pourquoi les Empires ne sont-ils peuplés que d’infortunés ? — Le malheur presque universel des hommes et des Peuples dépend de l’imperfection de leurs lois et du partage trop inégal des richesses. Il n’est, dans la plupart des royaumes, que deux classes de citoyens, l’une qui manque du nécessaire, l’autre qui regorge de superflu : la première ne peut pourvoir à ses besoins que par un travail excessif, qui est un mal physique pour tous et un supplice pour quelques-uns ; la seconde vit dans l’abondance, mais dans les angoisses de l’ennui.
    « Que faire pour ramener le bonheur ? Diminuer la richesse des uns, augmenter celle des autres, procurer à chacun quelque propriété ; mettre le pauvre dans un état d’aisance qui ne lui rend nécessaire qu’un travail de sept ou huit heures, donner à tous l’éducation.
    « Mais dans quel gouvernement de l’Europe établir maintenant (en 1770) cette moins inégale répartition des richesses nationales ? On n’en aperçoit pus sans doute la possibilité prochaine… Cependant l’altération qui se fait journellement dans la Constitution de tous les Empires prouve au’au moins cette possibilité n’est point une chimère platonicienne ! Dans un temps plus ou moins long, il faut, disent les Sages, que toutes les possibilités se réalisent : pourquoi désespérer du bonheur futur de l’Humanité ?… Ce sera le résultat d’une meilleure législation. » Helvétius, Œuvres complètes, 1781, t. IV De l’homme et de son éducation. Voir la substantielle analyse de M. Lichtenberger, pages 261 à 268 de son livre le Socialisme au XVIIIe siècle, 1895. Sur la suppression de la monnaie, cf. Rousseau, Projet de constitution pour la Corse, Œuvres et correspondance inédites de J.-J. Rousseau, p. 100 (publiées par Streckeisen-Moultou, chez Michel Lévy, en 1861).