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qu’il maudissait la Terreur. Mais rien de plus naturel que cette attitude de la part d’un Thermidorien d’extrêmegauche qui professait, avec ses amis les sans-culottes d’Arras[1], que « la chute des tyrans rendait les citoyens à leurs droits éternels, » c’est-à-dire, qui comptait bien, pour parler clair, que, Robespierre tombé, il n’y aurait plus de gouvernement. De là sa campagne en faveur de la liberté de la presse, liberté qui semble, si nous en jugeons par son journal même, n’avoir pas été aussi restreinte à ce moment qu’il le dit. À coup sûr, il y avait une contradiction apparente de sa part à attaquer, non seulement la mémoire de Robespierre, mais les terroristes vivants comme Barrère, qui étaient en même temps de purs démocrates socialistes ; mais d’abord ce temps était celui de la contradiction et de la confusion universelles[2] ; ensuite Babeuf proposait des distinctions et s’il condamnait les assassinats plus ou moins légaux qui ont déshonoré le règne des Jacobins, il avait soin de faire des réserves en faveur de leurs doctrines sociales. Sa brochure sur Carrier est significative à cet égard.

« Du système de dépopulation ou la vie et les crimes de Carrier ; son procès et celui du comité révolutionnaire de

  1. Adresse de la Société populaire d’Arras à la Convention, insérée dans le journal de Babeuf, 1er jour des sans-culottides, an II. On lit dans le Journal de la Liberté de la Presse (1er vendémiaire an III) : Il y a « deux partis bien prononcés, l’un en faveur du maintien du gouvernement de Robespierre, l’autre étayé exclusivement sur les droits éternels de l’homme, reconnus par la Déclaration » (de 1793). L’adresse de la Société populaire d’Arras a été probablement rédigée par Babeuf. On y trouve des formules maçonniques qui donnent à penser que cette société était une loge.
  2. Les royalistes invoquaient aussi les droits de l’homme ; il y avait à cette époque, à côté d’Hébertistes fanatiques de clémence, des royalistes jacobins ; et c’est ce qui explique les rapports de Babeuf avec le club de l’Evêché (voir p. 233).