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III

DE THERMIDOR JUSQU’A LA FIN DE LA CONVENTION


Infatuation ou dévouement ? Pétulance ou conviction ? Peut-être l’un et l’autre. Pendant cette période tragique de sa vie, Babeuf va se montrer plus « enragé, » plus agité et plus réfractaire que jamais ; on ne peut nier cependant que son rôle ne grandisse alors et par le péril délibérément encouru et par l’effort tenté pour donner un caractère rationnel à ses plans de reconstruction sociale. Il pense, il reprend avec réflexion son rêve ancien de bonheur universel ; il s’enflamme, au contact des Montagnards et d’hommes d’une valeur intellectuelle incontestable comme Antonelle et Buonarroti, d’un bel enthousiasme pour la cause de la Révolution vaincue et quand il meurt pour elle, on peut se demander si l’excès de précautions et les atermoiements qui l’ont perdu n’ont pas leur source dans quelque honorable scrupule.

Nature impressionnable et imitative, ayant au plus haut degré le tempérament du journaliste, en ce sens qu’il excellait à deviner l’opinion et à se faire écho, il est, par son exagération même, un bon témoin de l’état des esprits après Thermidor, du moins dans la population républicaine avancée des grandes villes. Pour elle comme pour lui, la question des subsistances prime toutes les questions politiques ; comme lui, elle attend le salut d’un pouvoir qui saura au besoin se mettre au-dessus des lois[1] et ce qu’il

  1. Cependant il y eut à cette date un court mouvement en faveur du système représentatif, et Babeuf lui-même dans une