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d’après cela que, sur ce que tu me marques que tu es tout à fait décidée à mourir, je ne puis que te répondre ; Meurs, si c’est ton plaisir. » Et comme quelqu’un des siens, à bout de privations, lui suggérait timidement qu’un ouvrier imprimeur gagnait plus que lui, Babeuf écrivit à Sylvain Maréchal une lettre pompeuse[1] pour lui demander en apparence une place de compositeur à l’imprimerie de Prudhomme, mais où l’on voit que sa principale préoccupation est de se faire bienvenir d’un révolutionnaire influent en lui montrant un échantillon de sa littérature et en lui faisant connaître ses titres comme patriote. Désormais l’exaltation ambitieuse et révolutionnaire a pris la place dans l’âme de Babeuf de tous les sentiments domestiques ; tout à l’heure à son paroxisme, elle éteindra chez lui l’instinct même de la conservation.

  1. Voir dans Advielle, t. I, p. 108, l’invocation à Rousseau : « Rousseau, trop sensible Rousseau, l’idée de te trouver un jour dans l’impuissance de pourvoir aux besoins de tes enfants te brisait le cœur ; tu ne pus la supporter et tu les abandonnas dès leur naissance aux soins du Gouvernement. Cet abandon, je le conçois ; tu ne les connaissais pas ; mais, dis-moi, les eusses-tu délaissés à cet âge où les premiers développements de leur intelligence, les premiers mouvements de leur âme les rendent si intéressants ? O mon fils de sept ans, copie si fidèle du bon, de l’innocent Emile ! Oh ! non, jamais je ne serai capable de t’abandonner ; je guiderai ta jeunesse aussi longtemps que je le dois, ou tu me verras mourir avant d’avoir pu accomplir ma tâche. »