Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

changés leur cœur est resté le même. Ils vous opprimeraient si le règne du despotisme durait encore. » Qui faut-il donc choisir ? La désignation est assez claire : « Mais connaissez-vous des hommes qui aient consacré leur vie à la défense du faible opprimé contre l’oppresseur puissant ; qui, dominés par l’ascendant d’une âme fière, courageuse et sensible, ont repoussé la fortune, bravé les tracasseries des petites cabales, ou les persécutions d’un gouvernement tyrannique, pour adorer la vertu et venger l’innocence et l’humanité ? Soyons moins exigeants. Connaissez-vous quelqu’un qui ait montré un caractère ferme et probe, dont l’indignation s’allumait au récit d’une injustice, dont les entrailles s’émouvaient à l’aspect d’un malheureux ? Quelque rude que soit sa franchise, quelque austère que soit son humeur, ne balancez pas à le choisir… Ne vous inquiétez pas si l’on vous dit que de pareils hommes sont exagérés, moroses, extravagants, propres à troubler l’ordre et la tranquillité publique, etc. »

Coupé fut élu. Aussitôt, Babeuf lui écrit deux lettres, dont la seconde, très étendue, nous a été conservée[1]. Tout en prodiguant au nouveau député des compliments hyperboliques, il déclare qu’il n’en a jamais su faire et que ce dédain des superfluités de la politesse lui « donne un air gêné et sauvage, que Rousseau déclarait aussi n’avoir jamais su vaincre. » Puis il rappelle les principes de sa politique, exposés au cours de la lettre précédente : « l’Egalité primitive, l’Intérêt général, la Volonté commune qui décrète les lois et la Force de tous qui constitue

  1. Collection Charavay : nous remercions vivement M. Charavay de nous avoir permis d’utiliser ce manuscrit, qui est, comme on va le voir, un document important pour l’histoire des opinions de Babeuf et révèle plusieurs traits de son caractère. Nous donnons la lettre à la fin de ce volume. — Jacques-Michel Coupé avait été curé de Sermaize ; il fut membre de la Convention et l’un des 73.