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tous les préposés publicains de l’ancienne Picardie. » Babeuf se vante peut-être ; il est certain du moins que l’insurrection contre les droits sur les vins et boissons fut son œuvre et se trouve liée à deux de ses publications : 1° la Pétition sur les Impôts, etc. (17 avril 1790), dans laquelle « il est démontré que les aides, la gabelle, les droits d’entrée aux villes, etc., ne doivent et ne peuvent plus subsister même provisoirement chez les Français devenus libres, » et 2° la Réclamation de la ville de Roye, relative au remplacement de l’impôt des aides et à l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale, qui prononcent que tous les imapôts doivent être répartis sur chaque citoyen en proportion de ses facultés (octobre 1790). Dans ces brochures deux idées dominent, celle d’un impôt unique et proportionnel qui doit remplacer tous les autres, et celle du droit imprescriptible qu’a tout citoyen de résister à l’oppression. « Jamais, ditil avec Rousseau, joug n’a été porté qu’aussi longtemps que l’animal dompté n’a point vu jour à le rompre. » Et en effet, à sa voix, les cabaretiers de Roye se soulevèrent et refusèrent de payer les anciens impôts avant que les nouveaux fussent établis, prouesse qui suffit, dit Babeuf, « à l’ambition d’une grande âme » et lui permettra doré-

    possession ; tant pis pour celui qui a acquis… Il n’y a pas de prescription qui puisse créer un droit en faveur des détenteurs d’un bien mal acquis. Des siècles auront passé sur des faits de rapine, que ceux à qui ces faits ont profité, ceux à qui ils profitent actuellement n’en doivent pas moins être assimilés à des receleurs ; voilà ce que j’ai prêché. Gémissant sur le sort de la classe malheureuse dont je vois sans cesse empirer la condition, déplorant bien amèrement que jusqu’ici on n’ait rien fait d’efficace pour elle, je jetai en avant quelques idées tendant à améliorer sa situation ; bientôt je fus soupçonné, accusé d’en vouloir aux propriétés. Des frères souffrants et laborieux ne virent en moi qu’un ami compatissant et un protecteur ; pour les riches égoïstes je ne fus qu’un dangereux apôtre des lois agraires. » Lettre à Sylvain Maréchal, 6 germinal an II.