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II


PENDANT LA RÉVOLUTION JUSQU’À THERMIDOR


Pendant les trois mois que Babeuf passe à Paris en 1789, nous voyons se dessiner en lui un type particulier du révolutionnaire professionnel, pas sanguinaire et même « sensible, » mais exalté et instable jusqu’à l’incohérence. Erigeant l’insurrection permanente en dogme, déjà de plus en plus acquis à l’anarchie et à la dictature[1], il est l’un des vainqueurs de la Bastille ; mais le lendemain, effrayé, il s’enfuit à Roye, se crée en passant un titre à l’indulgence du pouvoir en sauvant le comte de Lauraguais, revient bientôt et demeure, en apparence pour suivre e l’impression de son Cadastre, en réalité parce que le vertige l’attire et qu’il est à l’affût d’une place qui lui permettra de profiter des événements. Il décrit avec une pitié relative les premières exécutions du peuple, le supplice de Foullon et de Bertier : « J’ai vu passer cette tête du beau-père et le gendre arrivant derrière, sous la conduite de plus de mille hommes armés ; il a fait ainsi, exposé aux regards du public, tout le long trajet du faubourg et de la rue Saint-Martin, au milieu de deux cent mille spectateurs qui l’apostrophaient et se réjouissaient avec les troupes de l’escorte, qu’animait le bruit du tambour. Oh ! que cette joie me faisait mal ! » Mais il rejette la responsabilité dé ces événements sur le régime vaincu : « La justice

  1. Il condamne dès lors le règlement des affaires par le vote des majorités. Advielle, Hist. de G. Babeuf, t. I, p. 41.