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Moment d’angoisse pour les clairvoyants et de souffrances pour tous.

La grosse affaire des amis du régime nouveau fut dès lors de se faire agréer parmi ceux qui participaient de plus près et le plus largement aux libéralités du pouvoir. Une fièvre de parasitisme gagna tout le personnel révolutionnaire. Il s’aperçut vite que la Convention non seulement était désarmée contre l’insurrection, mais voulait maintenir à tout prix l’unité apparente du parti en face de l’étranger. On avait le champ libre ! Il fallait en profiter. Hébert donna le signal le 28 mars 1793. « Je vois toujours, dit-il aux Jacobins, les mêmes hommes disposer de toutes les places. Rien n’a changé, si ce n’est la situation du peuple dont les malheurs vont toujours croissant. Il est temps de s’occuper du bonheur public ; il faut que le peuple qui a fait la révolution jouisse des fruits de cette révolution. » Le 25 mars, Desfieux demande qu’on fasse une dernière révolution pour « détruire le parti des riches, que tous les traîtres soient exterminés et qu’il ne reste plus qu’un parti, celui des sans-culottes ! » Le 10 mai, une députation du club des Cordeliers et de citoyennes de la société révolutionnaire des femmes se rend aux Jacobins, et son orateur s’exprime ainsi « Législateurs, frappez les agioteurs, les accapareurs et les égoïstes marchands. Il existe un complot affreux de faire mourir de faim le peuple en portant les denrées à un prix énorme. À la tête de ce complot est l’aristocratie mercantile d’une caste insolente qui veut s’assimiler à la royauté et accaparer toutes les richesses en faisant hausser le prix des denrées de première nécessité au gré de sa cupidité. Exterminez tous ces scélérats ; la patrie sera assez opulente s’il lui reste les sans culottes et leurs vertus. Législateurs, venez au secours de tous les infortunés ; c’est le cri de la nature, c’est le vœu des vrais patriotes ! Notre cœur est déchiré