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nistrateur départemental. Rœderer n’avait-il pas beau jeu à soutenir dans son Journal d’Economie politique quel l’opération était moins une vente qu’une distribution ? « Le gouvernement, écrivait-il, dit : Je vends les biens nationaux. Moi, je veux démontrer qu’il les donne. » La prédiction de Mirabeau s’accomplissait.

En plusieurs endroits il les laissait prendre, ce qui est plus grave. Dans certaines communes, les citoyens armés viennent, le maire en tête avec son écharpe, au son du tambour, se partager les biens confisqués. Ailleurs on se sert des forêts comme d’un bien commun. Tout ce qu’on peut emporter du mobilier et même des bâtiments d’un grand nombre de châteaux est pillé. Dans la plupart des villes des départements, à Paris même, les riches sont pendant toute cette période livrés sans recours aux perquisitions et aux razzias des représentants officiels ou volontaires de la justice du peuple. Le montant de ces taxes locales était déterminé tantôt fetprès le chiffre des impôts, tantôt d’après les talents ou l’instruction, tantôt d’après le degré de l’incivisme. Elles avaient le triple but de punir une opposition présumée, de ramener à l’égalité les fortunes excessives et de subvenir soit aux dépenses de la guerre — ce fut le cas le moins fréquent — soit à des distributions de secours dont profitaient seuls le personnel des sociétés populaires et le public ordinaire des tribunaux révolutionnaires et des exécutions, soit à l’armement et à la solde des bataillons sédentaires de sans-culottes formés partout par les représentants en mission[1] Les valeurs recueillies chez les riches dont

  1. Un seul arrêté des représentants en mission à Lyon ordonne la formation sous quinzaine d’une force armée de mille hommes dans dix départements du Centre et de l’Est. Ces dix bataillons Révolutionnaires étaient à la disposition des autorités pour le service intérieur. Tous les sans-culottes de la région devaient être ainsi armés et soldés aux dépens des riches.