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les pouvoirs, est satisfaite. « L’assemblée, dit un des collaborateurs de Mirabeau (Dumont), avait tellement peur d’offenser le peuple, qu’elle regardait presque comme un piège toutes les motions tendant à réprimer les désordres. Quoique elle déclarât souvent dans ses préambules qu’elle était profondément affligée et même irritée des violences commises par les bandits et les brigands qui brûlaient les châteaux et insultaient la noblesse, on jouissait en secret d’une terreur qu’on croyait nécessaire. On blâmait par décence, on ménageait par politique ; on donnait des compliments à l’autorité et des encouragements à la licence… » L’Europe applaudissait à la victoire du « parti démocratique de l’assemblée… » « C’était le procès du genre humain contre les classes usurpatrices et dominantes… Je ne sais quelle joie était répandue partout dans les états les plus nombreux de la société. Il y avait une fermentation générale, une sorte d’ivresse dans les espérances, et l’enthousiasme excité par la grandeur de l’objet rendait presque insensible pour des désordres qu’on regardait du même œil que des accidents malheureux dans un triomphe national. Tout l’échafaudage d’un édifice antique et ruineux pouvait-il s’écrouler sans blesser quelques infortunés et quelques opiniâtres qui s’obstinaient à le soutenir ? Voilà (conclut notre auteur), ce que pensaient les meilleurs esprits de l’Europe, les meilleurs philosophes, tout ce qu’il y avait de philanthropes et d’amis de la liberté… » Disons donc que si la révolution a rendu heureux les Français (nous ne parlons pas de l’humanité), ce fut de 1790 à 1791, alors qu’elle n’avait donné que des promesses. Tous les grands mouvements de passion débutent par ces ravissements. Les visites en armes des gardes nationales de ville à ville sur tout le territoire, les vastes farandoles, les danses, les chants, les embrassades de la Fédération symbolisent cette union et cette égalité idéales, dont on savou-