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nouveau non seulement de payer les dettes de l’ancien sans inquiéter la bourgeoisie libérale, mais encore de considérer toute autre source de recette comme une quantité négligeable. On raconte que quelqu’un ayant objecté à Mirabeau qu’on trouverait difficilement des acquéreurs pour la masse énorme des biens nationaux, surtout pour ceux du clergé, il répondit « Eh bien nous les donnerons ! » Nous verrons combien cette expression se vérifia par la suite. On comprend du moins que pour le moment le produit à obtenir de la vente en vue de combler le déficit n’ait pas été, comme on le croirait, le seul mobile des liquidateurs. L’assemblée déclara elle-même qu’elle poursuivait un double but : par les moyens adoptés, elle pensait, est-il dit dans la loi des 14-17 mai 1790, « remplir en même temps les deux objets proposés dans cette opération, le bon ordre des finances, et l’accroissement heureux, surtout parmi les habitants des campagnes, du nombre des propriétaires. » Elle espéra atteindre ce double but par les dispositions suivantes : 1° on essayerait des enchères pour les exploitations rurales prises dans leur ensemble ; 2° là où l’enchère globale n’aurait pas réussi, on essayerait des enchères partielles ; 3° et enfin « si au moment de l’adjudication définitive, la somme des enchères partielles égale l’enchère faite sur la masse, les biens seront de préférence adjugés divisément. » Des délais (pour les onze versements postérieurs au premier, ils allaient jusqu’à douze années) étaient accordés aux acquéreurs. On entrait en possession dès le premier versement. Il est douteux, en dépit des menaces de déchéance, que les autres aient été rigoureusement exigés. Nous allons voir qu’à mesure que l’émission des assignats paraît avoir le plus de chances de réussir, le premier souci apparent du législateur, l’intérêt du trésor, cède de plus en plus la place au second, la diffusion de