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Ils appartenaient simultanément à un groupe plus ou moins considérable de personnes et passaient de génération en génération par une continuité tacite, sans testament. C’était la seule réponse à faire à ceux qui voulaient supprimer la propriété ecclésiastique, parce qu’elle n’était point la chose d’un ou de plusieurs individus déterminés. Où est le propriétaire ? demandait-on. « S’il s’agit d’un individu isolé, au sens physiologique, eussent pu répondre les membres du clergé séculier comme les membres des Ordres, en effet il n’y en a point. Nous sommes un corps. Nous n’avons pas oublié le passage des Actes des Apôtres : « Et tous les croyants vivaient unis et tout était commun entre eux, » ni la lettre de saint Paul aux Corinthiens « De même que le corps est un et a plusieurs membres, et que, les membres du corps étant plusieurs, il n’y a cependant qu’un corps, ainsi le Christ, » c’est-à-dire e l’Eglise incorporée au Christ, la Chrétienté. « Car nous avons été tous, Juifs ou Hellènes, esclaves ou hommes libres, fondus en un seul corps et absorbés en un même souffle. » Ils eussent pu ajouter : « L’Eglise est à ce titre une personne vivante et réelle ; elle est pour nous la source de tout droit, du droit de propriété comme de tous les autres. La nation au contraire, au nom de qui vous voulez nous dépouiller, n’est pour nous qu’une abstraction, un mot elle n’a point de droits et n’est pas source de droits, puisque votre loi ne connaît que des individus ! » Maury semble avoir entrevu cette argumentation, quand, à ceux qui disaient que les corps sont des personnes morales créées par la nation et que la nation peut les détruire puisqu’elle les a faites, il répondit : « Un corps moral ! La nation est-elle donc autre chose ? » Mais le clergé du xviiie siècle avait perdu le sens des traditions primitives ; il était dévoré d’individualisme ; les Jésuites avaient réalisé en Amérique d’immenses bénéfices comme com-