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lation des richesses, pour régler les transactions et moraliser le commerce, pour nourrir les pauvres, pour donner du travail à tous ceux qui en réclamaient, pour niveler les conditions ? Qui l’a empêchée d’aller plus loin qu’elle n’est allée dans la voie de l’égalité de fait, si difficile à séparer de l’égalité de droit ? Quelles causes ont fait souvent prédominer dans ses conseils soit un socialisme timide, soit même les maximes économiques inspirées par les physiocrates ? Le socialisme du XVIIIe siècle a-t-il disparu au cours de ces événements où il a été si souvent mis en échec ? Son réveil en 1796 sous la forme d’une redoutable conspiration est-il un accident ? Epuise-t-il sa vitalité dans ce suprême effort ? Quels rapports a conservés avec lui la pure doctrine révolutionnaire ? Est-elle rigoureusèment individualiste ou cet individualisme ne renfermerait-il pas, depuis l’origine, un socialisme latent ? Toutes ces questions sont aussi délicates que difficiles. Nous ne vous promettons pas plus aujourd’hui qu’au jour où nous sommes monté dans cette chaire de les examiner avec indifférence. Quand il s’agit de problèmes de cette sorte, promettre la neutralité, c’est se tromper soi-même et risquer de tromper les autres. Si quelqu’un vous dit qu’en ce moment il est neutre entre le socialisme révolutionnaire et son contraire, prenez garde : on n’est pas neutre en de pareilles matières, à moins de ne pas penser. Il est plus viril de déclarer franchement tout d’abord quelles sont les tendances auxquelles on obéit ; c’est ce que j’ai fait, et je n’ai nulle envie de m’en repentir.

Cela n’empêche pas de chercher sincèrement la vérité historique et de s’efforcer à saisir ces notions générales, ces ébauches de lois sous lesquelles, à mesure que nous nous éloignons des événements et que le caractère irrévocable du passé s’enfonce dans les esprits, la chaleur des passions d’autrefois s’éteint peu à peu. Une observation