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régularité géométrique et une uniformité imposante : toutes choses qui ne sauraient s’accomplir que dans un groupe politique exigu, où les fonctions productives des citoyens peuvent toujours être sacrifiées à l’accomplissement de leurs droits civiques, continuellement en acte.

À cette période il faut rattacher des publications qui ne sont pas seulement des ouvrages de polémique, mais des ouvrages de propagande et déjà des programmes d’action, comme ceux d’Helvétius dont la maison hospitalière aux gens de lettres était un foyer de diffusion pour les idées démocratiques, ceux de Raynal, de Mercier (1770) et de Restif de la Bretonne (1776-1782), autres, disciples de Rousseau. C’est au cours de cette période que se perfectionne la théorie égalitaire, qu’on voit les thèses essentielles du socialisme au xvme siècle, celle de la propriété collective (Mably), de l’impôt progressif et de l’exhérédation légale (Helvétius), de la responsabilité du riche dans la misère du pauvre, de la loi d’airain (Linguet), de la plus-value, de la commune et du phalanstère rural (Restif de la Bretonne), de l’assistance publique obligatoire, de la terre au cultivateur (Graslin), des dangers de la concurrence, du paiement des fonctionnaires, c’est-à-dire de tous les travailleurs, par des bons de travail (Mercier) ; c’est alors qu’on voit toutes ces thèses, plus ou moins impliquées dans les ouvrages des périodes précédentes, se préciser, s’affirmer avec des arguments nouveaux et une clarté nouvelle. Les physiocrates, qui attribuaient les maux de la société à la méconnaissance ou à l’effet inévitable de lois naturelles, croyant au progrès et pouvant compter sur tout l’avenir pour l’atténuation graduelle de ces maux, trouvaient dans leur espoir des motifs dé patience et de résignation. Les apôtres de la « vertu », qui attribuaient