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ment[1] avec beaucoup de vivacité une pensée fort analogue à celle du livre de Job, la jalousie et l’indignation des bons devant le succès des méchants. Un livre entier, dont la date est malheureusement fort incertaine, le Kohéleth ou Ecclésiaste, roule dans le même cercle de contradictions, mais semble bien plus loin d’une solution morale. L’auteur du livre de Job trouve la solution de ses doutes dans un retour pur et simple aux préceptes des anciens sages ; l’Ecclésiaste est bien plus profondément atteint par le scepticisme. Il conclut à une sorte d’épicuréisme, au fatalisme et au dégoût des grandes choses. Mais ce ne fut là, dans la destinée d’Israël, qu’un accident transitoire et le fait de quelques penseurs isolés. La destinée d’Israël n’était pas de résoudre le problème de l’âme individuelle, mais de poser hardiment le problème de l’humanité.

  1. xxxvi et lxxii selon la Vulgate. Comparez aussi Proverbes, xxiv, 19 et suiv.