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d’honnêtes gens, telle qu’était la primitive socicié des Sémites nomades, devenait de plus en plus insoutenable, à mesure que le monde sémitique, jusque-là très-pur, des environs de la Palestine entrait dans les voies des civilisations profanes, ce qui arriva vers l’an 1000 avant notre ère : on vit alors des scélérats heureux, des tyrans récompensés, des brigands portés honorablement au tombeau, des justes spoliés et réduits à mendier leur pain. Le nomade, resté fidèle aux idées patriarcales, s’indigna des injustices fatales qu’entraînait avec elle une civilisation compliquée dont il ne comprenait ni la portée ni le but. Le cri du pauvre, qui jusque-là n’avait point trouvé d’écho, car le pauvre n’avait existé que parmi les races inférieures auxquelles on accordait à peine le nom d’homme[1], com-

  1. Voir Job. xxx, 3-8. L’existence de ces races au temps de la composition de notre poëme est digne d’être remarquée. On sait qu’elles ne figurent plus dans l’histoire d’Israël après l’époque