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ques, manquent ici complètement. Mais une vivacité d’imagination, une force de passion concentrée, auxquelles rien ne saurait être comparé, éclatent, si j’ose le dire, en millions d’étincelles et font de chaque ligne un discours ou un philosophème tout entier.

C’est surtout par sa manière de conduire le raisonnement que l’auteur du poëme de Job nous étonne et accuse profondément les traits de sa race. Les relations abstraites ne s’expriment, dans les langues sémitiques, qu’avec la plus grande difficulté. L’embarras de l’hébreu pour énoncer le raisonnement le plus simple est quelque chose de surprenant. La forme du dialogue qui, entre les mains de Socrate, devint pour l’esprit grec un si admirable instrument de précision, ne sert ici qu’à voiler le défaut de méthode rigoureuse. D’un bout à l’autre du poëme la question ne fait pas un seul pas ; nulle trace de cette dialectique souvent subtile, mais toujours singulièrement pressée, dont les dialogues