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froide, sévère, éloignée de toute dévotion, sa personnalité hautaine expliquent seules ce mélange singulier de foi exaltée et d’audacieuse obstination.

L’imagination des peuples sémitiques n’est jamais sortie du cercle étroit que traçait autour d’elle la préoccupation exclusive de la grandeur divine. Dieu et l’homme en présence l’un de l’autre, au sein du désert, voilà l’abrégé et, comme l’on dit aujourd’hui, la formule de toute leur poétique. Les Sémites[1] ont ignoré les genres de poésie fondés sur le développement d’une action, l’épopée, le drame[2] et les genres de spéculation fondés sur la méthode expérimentale ou rationnelle, la philosophie, la science. Leur poésie, c’est le cantique ; leur phi-

  1. Je parle ici surtout des Sémites primitivement nomades, Hébreux, Moabites, Édomites, Saracènes, Ismaélites, Arabes, etc., dont le génie nous est le mieux connu, grâce aux œuvres religieuses et poétiques qu’ils nous ont léguées.
  2. Le Cantique des Cantiques offre bien un commencement de drame lyrique, mais à peine développé, Il est douteux