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la position si éminemment poétique de l’homme en ce monde, sa mystérieuse lutte contre une force ennemie qu’il ne voit pas, ses alternatives également justifiées de soumission et de révolte, n’ont inspiré une plainte si éloquente. La grandeur de la nature humaine consiste en une contradiction qui a frappé tous les sages et a été la mère féconde de toute haute pensée et de toute noble philosophie ; d’une part, la conscience affirmant le droit et le devoir comme des réalités suprêmes ; d’une autre, les faits de tous les jours infligeant à ces profondes aspirations d’inexplicables démentis. De là une sublime lamentation qui dure depuis l’origine du monde, et qui jusqu’à la fin des temps portera vers le ciel la protestation de l’homme moral. Le poëme de Job est la plus sublime expression de ce cri de l’âme. Le blasphème y touche à l’hymne, ou plutôt il est un hymne lui-même, puisqu’il n’est qu’un appel à Dieu contre les lacunes que la conscience trouve dans l’œuvre de Dieu. La fierté du nomade, sa religion