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pour ne prêter à ses personnages que des pensées et un langage compatibles avec l’époque et le pays où il plaçait les événements de son poëme. J’avoue que le phénomène littéraire que nous offrirait le livre de Job, dans cette seconde hypothèse, me paraît en dehors de toute vraisemblance. L’antiquité n’avait pas l’idée de ce que nous appelons couleur locale. L’auteur alexandrin du livre de la Sagesse et même, à quelques égards, l’auteur du livre l’Ecclésiaste, font parler Salomon comme s’il eût été de leur temps ; le livre de Daniel, qui est de l’époque des Macchabées, commet sur l’époque assyrienne des fautes de représentation très-graves. Jésus, fils de Sirach, Philon, Josèphe surtout, parlent des anciens patriarches avec un sentiment historique aussi faible que l’est celui de Tite-Live quand il s’agit des temps antiques de Rome. Je ne puis donc admettre qu’un Hébreu d’une époque reculée (nous démontrerons bientôt qu’on ne peut faire descendre le livre de Job plus bas que le viie siècle avant