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ce Pinacle ayant voulu danser avec Catherine à la fête des Quatre-Vents, elle avait refusé, parce qu’elle connaissait l’histoire de la montre, et que, d’ailleurs, elle restait toujours à mon bras.

Ce gueux, très méchant, m’en voulait donc, et de le voir là, tout à coup, au milieu de la route, loin de la ville et de tout secours, avec son bâton de cormier garni d’une pointe en fer, cela ne me réjouissait pas beaucoup. Heureusement, le petit sentier qui tourne autour du cimetière était à ma gauche, et, sans répondre, je me dépêchai d’y courir, ayant de la neige presque jusqu’au ventre.

Alors, lui, devinant qui j’étais, s’écria furieux :

« Ah ! ah ! c’est le petit boiteux… Halte !… halte !… il faut que je te souhaite le bonsoir. Tu viens de chez Catherine, voleur de montre ! »

Moi, je sautais comme un lièvre par-dessus les tas de neige. II essaya d’abord de me suivre, mais sa hotte le gênait ; c’est pourquoi, voyant que je gagnais du terrain, il mit ses deux mains autour de sa bouche, en criant :

« C’est égal, boiteux, c’est égal… tu auras ton compte tout de même : la conscription approche… la grande conscription des borgnes, des boiteux et des bossus… Tu partiras… tu resteras là-bas avec tous les autres… »