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D’UN JOUEUR DE CLARINETTE.


« Je t’aimerai toujours comme un frère, Kasper ! (Page 42.)

— Je veux bien, monsieur Stavolo, c’est un grand honneur pour moi.

— Un honneur ! allons donc ! l’honneur est de mon côté.

— Hé ! irez-vous bientôt au diable, vous autres ? » cria l’oncle aux gens qui l’écoutaient tout ébahis, car il craignait encore que la vue du cercle n’inspirât la mauvaise idée à Yéri-Hans de recommencer.

Il boutonna sa veste, aida le grand canonnier à passer les manches de son uniforme, puis, le prenant par le bras : « Ah ! camarade, s’écria-t-il, hein, si l’on nous défiait nous deux ! dix, quinze, vingt hommes, toute la fête, hein, est-ce que nous aurions peur ? »

Ainsi parla ce vieux fou, comme un enfant de six ans.

Le canonnier riait sans répondre ; mais la vue de Margrédel l’attendrissait. Il boutonna sa veste, et finalement il dit :

« Mademoiselle Margrédel, maintenant que je suis vaincu par votre père, il ne faut pas avoir honte de danser avec moi.

— De la honte ! s’écria l’oncle, je voudrais bien voir cela ; est-ce que tu n’es pas le plus fort au collet ? De la honte ! Ecoute, Margrédel, le plus grand plaisir que tu puisses me faire, c’est de danser avec Yéri-Hans. Moi, je vais boire un coup aux Trois Pigeons Garde ma fille, Yéri ; je reviendrai tout à l’heure. »

Cet homme, autrefois si raisonnable, aurait alors donné femme, enfant, maison et tout, pour être le plus fort du pays. Rien que d’y penser, encore aujourd’hui les cheveux m’en