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HUGUES-LE-LOUP

Elle tenait dans ses bras la jeune comtesse évanouie. (Page 31.)

minutes à réfléchir ; enfin, je prends tout sur moi. Je rentre dans la chambre du comte, je regarde… personne ! Ce n’est pas possible : un homme à l’agonie ! Je cours dans le corridor comme un fou. Rien ! J’entre dans la grande galerie. Rien ! Alors, je perds la tête, et me voilà de nouveau devant la chambre de mademoiselle Odile. Cette fois, je sonne ; elle parait en criant : « Mon père est mort ? — Non… — Il a disparu ? — Oui, Madame… J’étais sorti un instant… Lorsque je suis rentré… — Et le docteur Fritz… où est-il ? — Dans la tourde Hugues. — Dans la tour de Hugues ! » Elle s’enveloppe de sa robe de chambre, prend la lampe et sort. Moi, je reste. Un quart d’heure après, elle revient, les pieds tout couverts de neige, et pâle, pâle, enfin ça faisait pitié. Elle pose sa lampe sur la cheminée, et me dit en me regardant : « C’est vous qui avez installé le docteur dans la tour ? — Oui, Madame. — Malheureux !… vous ne saurez jamais le mal que vous avez fait. » Je voulais répondre. « Cela suffit… allez fermer toutes les portes, et couchez-vous. Je veillerai moi-même. Demain matin, vous irez prendre le docteur Fritz, chez Knapwurst, et vous me l’amènerez. Pas de bruit ! vous n’avez rien vu !… vous ne savez rien ! »

— C’est tout, Sperver ? »

Il inclina la tête gravement.

« Et le comte ?

— Il est rentré… Il va bien ! »

Nous étions arrivés dans l’antichambre. Gédéon frappa doucement à la porte, puis l’ouvrit, annonçant :