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un fusil ! » Je ne puis me retenir de répondre à ce chauvin : « Ce sera une occasion. »

Tristan Bernard me fait remarquer que nous donnons justement dans le piège en méprisant ces propositions avant de les examiner.

Un grand souffle d’espoir passe dans les casernes et les milieux populaires.

— Le 14. Les journaux continuent de crier à l’amorce, à la manœuvre. En même temps, ils publient, de source américaine, les grandes lignes des propositions : restauration de la Belgique, libération de la France, royaumes de Pologne et de Lithuanie, rectifications de frontières balkaniques, retour des colonies allemandes.

Mais il se produit alors un phénomène absolument extraordinaire. Ces propositions, qui se sont étalées à la première page du Journal, de l’Information, nul ne les a lues ! Non. À la fin de la journée, dix personnes m’assurent qu’elles n’ont pas vu, qu’elles ne savent pas. C’est à croire qu’on a rêvé, qu’on a eu la berlue.

— Le 15. Déjà les journaux ne parlent presque plus de la note allemande. Aucun ne reproduit plus les grandes lignes esquissées la veille. À nouveau, on m’affirme ne pas les avoir vues. On n’a pas voulu les voir ! Qui croira cela, plus tard, cette conjuration de l’ignorance ? Et pourtant, il en fut ainsi !

— À la séance de la Chambre du 13, où Briand déclara que l’offre allemande voulait empoisonner le peuple, un socialiste proposa qu’on y répondît en exposant nos buts de guerre. Protestations de la Droite : « Un seul but : la Victoire ! »

Mais qu’est-ce que la victoire, dans cette guerre nouvelle ? Ne faut-il pas précisément atteindre un but et par conséquent le définir ? Quel abîme de stupidité !