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Quant à Doumergue, ce soir de mardi, vers 9 h. ½, on s’avisa que son groupe n’était pas représenté dans le Cabinet. On résolut de disjoindre les Colonies, qui devaient être réunies à la Marine et de les lui offrir. Il les accepta sur-le-champ.

— L’adjudent d’artillerie Matou casse son lorgnon, à son poste, en Lorraine. Il demande d’aller à Toul en acheter un autre. L’autorité militaire décide que cette fourniture sera faite par le Service de santé. On expédie l’adjudant à Toul par le prochain convoi sanitaire et on lui accroche une pancarte : « Choix de verres. » À Toul, il y a triage rapide, confusion de trains, on met l’adjudant dans un convoi de typhiques. Il proteste. Mais que peut un myope sans lorgnon ? il réclame à manger, il ne fait pas monter le thermomètre à 37°, il prononce des paroles dénuées de sens. Ce sont des accidents bien connus de la typhoïde. Bref, on l’emmène jusqu’à Nîmes où on reconnaît enfin l’erreur. Mais on est dans la zone de l’intérieur et, pour renvoyer l’adjudant au front, force est de l’expédier d’abord à son dépôt, à Rennes.

— Fait singulier, la majorité du pays est représentée par un Parlement et renseignée par une Presse qui sont à cent lieues de penser comme elle !

— Le 13. On apprend les propositions de paix de l’Allemagne. Tous les journaux les présentent sous des titres comme : manœuvre, piège grossier, amorce. Ce sont les termes mêmes qu’on retrouvera dans la déclaration de Briand à la Chambre le même jour.

Je déjeune chez C… Nous sommes huit. Quand on parle de cette offre, trois personnes crient : « Ah ! La paix ; jamais ! » C’est une infirmière en costume, une actrice et un industriel de 55 ans environ. Ce dernier déclare : « Moi, si on fait la paix, je prends