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en admettant que les Allemands sauraient recevoir des Françaises ?

— Je montre à Gabriel Voisin le rôle ingrat que c’est de maudire « la guerre en soi » au nom de la pitié, de dévoiler son abominable stupidité. On vous accable aussitôt sous ces mots salissants : honte, lâcheté, infamie. Tandis que ceux qui exaltent la guerre se pavoisent de beaux vocables : gloire, honneur, héroïsme.

— Parmi les absurdes non-sens de la guerre : la façon de mourir fait tout. Ainsi, on apprend qu’un aviateur vient d’être tué en vol. Quelle horreur ! Puis, on rectifie : il est mort d’une rupture d’anévrisme. Cela apparaît bien encore comme une conséquence de son périlleux métier. Mais, c’est égal ; ce n’est plus la même chose. Et tout le pathétique de la nouvelle disparaît.

— De l’insensibilité générale. Le communiqué anglais en arrive à se féliciter que, « sur une division, on n’ait perdu dans une attaque que 450 hommes ». Rentrez en vous-même. En venir à se féliciter que, ce jour-là, il n’y ait que 450 familles en deuil par division.

— Déjeuner avec Anatole France. Il cite un mot de Malvy, de la veille : « C’est l’ère des difficultés insurmontables qui s’ouvre. »

Il dépeint une entrevue avec Briand, au début de sa présidence, sa façon de s’asseoir avec lassitude et de déclarer : « Il faut en finir vite, ça ne peut pas durer. »

France dit que le Gouvernement agit envers le pays comme une mère dont l’enfant vient de se flanquer un gnon et qui le persuade : « Tu n’as pas de bobo. » En général, dit-il, la satisfaction pour les femmes d’être séparées de leur mari est une des causes de durée de la guerre.