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reux à leur belliqueuse âpreté : inspirer une telle horreur de la guerre que ce soit la dernière guerre… Je ne parle pas de tous ceux qui ont un intérêt quelconque à ce que la guerre ne cesse pas : crainte de l’avenir, besoin d’émotions fortes, situation pécuniaire, militaire, sentimentale ou autre, favorisées par la boucherie.

— Les affiches du quatrième emprunt, dit de la Libération, montrent un soldat qui sort de la tranchée, un autre qui lance une grenade, un troisième qui tord le cou à une volaille (l’aigle germanique), une Alsacicenne et une Lorraine qui font aux passants un gracieux signe de main.

Une affiche de « L’Union des grandes Associations » fait parler un soldat qui adjure le civil de résister à l’offensive de paix.

— Déjeuner chez les R… Tout le monde est persuadé que les négociations de paix sont entamées, que l’Allemagne acceptera les propositions préliminaires de Wilson. Bien que, pour tous ces gens, ce soit la paix amenée par trois mois de victoires, il n’y a nulle joie, nulle satisfaction autour de cette table. Je conçois qu’ils ne se réjouissent pas de la fin de la tuerie puisque toute sensibilité semble morte depuis quatre ans. Mais qu’ils ne se réjouissent pas d’une fin selon leurs vœux, à des conditions favorables arrachées en apparence par les armes, voilà ce que je ne comprends pas. Sans doute obéissent-ils à ce sentiment que j’ai entendu si souvent exprimer, où il y a un besoin de vengeance, un appétit de triomphe, l’ignorance des réalités et l’indifférence aux pertes : « Nous ne sommes pas assez vainqueurs. » Cependant, nul ne prononce cette phrase. Mais cette assemblée, par son atonie, est toute pareille à la foule, dont l’espoir de la paix n’a pas éclairé les visages.