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les habitants des villes du Rhin peignent leur terreur des bombardements par avions. Je m’étonne qu’on s’étende sur ces effets d’horreur, puisque nous prétendons faire une guerre chevaleresque qui épargne femmes, enfants, vieillards, et laisser à l’ennemi le monopole des atrocités. Mais on me répond qu’on entend donner ainsi satisfaction à l’opinion et lui montrer qu’on exerce des représailles.

— Depuis le 18, ce sont des avances de quelques kilomètres, de-ci, de-là, des sacrifices dont l’évocation serre le cœur, la guerre telle que la voulurent Clemenceau et les généraux de son choix. On annonce la reprise de Lassigny à la date du 22.

L’allégresse est unanime. Tout le monde est stratège. Au seuil de sa boutique, une bouchère, énorme, blonde et rose vif, se penche sur son journal et dit à son commis : « Mais alors, du moment que nous avons débordé Coucy-le-Château… »

— Il y a parenté entre les diverses formules des prolongeurs de la guerre. Poincaré veut « dicter la paix ». Les Américains veulent « gagner la guerre ». Renaudel prétend que la guerre ne peut s’achever que par une victoire, ne fût-elle pas uniquement militaire. Beaucoup veulent que « l’Allemagne cède ». Toutes ces formules exigent au fond une Allemagne qui se rende à merci, qui s’avoue vaincue, qui dise « faites de moi ce que vous voudrez », qui soit humiliée. Et penser que tous ces gens prétendent vouloir éviter « la guerre dans trois ans » ! Jamais la paix qu’ils souhaitent n’enfermerait plus âcre ferment de revanche.

— On continue de sentir chez nous une résistance à la création d’une Société des Nations. Rien ne peint mieux l’obscur désir de continuer la guerre, car la Société des Nations représente le meilleur moyen de hâter la fin.