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chefs. On me signale aussi un téléphoniste illettré. Il ne peut ni transmettre un message écrit, ni fixer un message verbal. Toute la vie militaire est là-dedans.

— Aux cinémas des boulevards, maintenant, on acclame follement Wilson. Toute la salle se lève quand, au son de l’hymne américain, on le représente prononçant ses récentes déclarations. Ah ! C’est qu’aujourd’hui, il a eu la victoire par les armes. Il a cessé de « poursuivre sa chimère », d’être « plus boche que les boches ».

— Le 28, Viviani, extrêmement éloquent, Briand, Ribot, ont couvert Malvy devant la Haute-Cour.

— Le 30. À propos des dépositions des trois présidents du Conseil, l’Œuvre imprime en manchette : « Malvy a abattu son jeu : brelan d’as. » Le Journal du Peuple ajoute : « L’adversaire n’a que deux valets. »

— Il y a 158 officiers au Cabinet du ministre de la Guerre, dont 61 au dépouillement du courrier. Le ministère emploie d’ailleurs 40.000 personnes (chiffre du personnel à transporter en cas d’évacuation). Récemment, un fonctionnaire a été pris en flagrant délit de détournement. Il avait touché 140.000 francs des tenanciers de maisons de tolérance pour qu’on leur donnât la firme officielle. Partout la guerre déchaîne la même avidité sans frein. Elle tue jusqu’aux consciences.

— Le 31. Vers 6 heures, nombreuses queues, surveillées par des sergents de ville devant les boulangeries de certains quartiers. D’autres ont fermé, ainsi que des boucheries. Le pain devient spécialement mauvais. Dans l’Yonne, c’est un mastic gluant, d’un gris sale. Beaucoup de paysans sont malades. Le ministre Boret, à qui on montre un échantillon de ce pain, en reste estomaqué.