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chit, que cet homme a défendu deux fois les intérêts des humbles, en demandant l’impôt sur le revenu, en sauvant la paix en 1911.

— Le 23. On annonce la restriction à 300 grammes de pain. Toutes les précédentes mesures sont annulées. On craint que le mécontentement n’éclate chez les travailleurs. Les ouvriers, les paysans, consomment un kilo de pain par jour. On a supprimé aussi les gâteaux. Mais les maisons de thé les remplacent par des crèmes, des croquettes, qui utilisent d’autres matières également raréfiées, beurre, lait, sucre.

— Toujours le raid de Gothas sur Paris. On l’annonce pour le samedi 27. Voici comment on l’explique. Le Kaiser y était opposé comme il le fut à la guerre. Mais, là aussi, il dut céder à la pression militaire, par crainte d’être débordé. Le parti guerrier fut servi, dans son désir de représailles, par de récents raids — les uns disent un raid anglais sur Stuttgart qui tua des femmes et des enfants en procession ; les autres, un raid français sur Carlsruhe qui anéantit la foule d’un cirque ou d’un cinéma.

— Il est juste de noter que Clemenceau est capable de faire la paix, et qu’il est seul capable de la faire accepter par les Never-Endistes. De même on prétend que seul il peut faire accepter la proclamation de l’innocence de Malvy et Caillaux. Aussi, dit-on, il importe de le maintenir en place jusqu’à cette liquidation.

— Au café, deux vieillards se félicitent de l’avènement du sauveur, Clemenceau : « Le moral est retrempé ! » Ils sont effrayants. Chez eux, on devine l’atonie de la sensibilité, l’obscure satisfaction de la mort des jeunes et surtout le désir de la revanche. Ils ont gardé vive l’humiliation de 1871. Nous avions déjà le terrible « homme des cavernes ». Il y a une espèce aussi farouche : « L’homme qui a vu 70. »