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— Le 13. Caillaux est toujours très attaqué. Les « Couloirs » de la Chambre se soucient plus de son arrestation possible que des événements italiens et russes. Il se défend dans la presse, répond à Clemenceau, Barrès, ses deux grands adversaires. Sa première lettre à Barrès, exposé complet de sa politique, est fort belle, bien qu’il y prenne vraiment trop de formes courtoises envers un si féroce et néfaste ennemi. Oublie-t-on que Barrès a demandé la vie même de Caillaux ? Et que si on eût écouté Barrès, la France seule aurait risqué la Revanche, avant 1914 ?

— Au café, j’entends derrière une cloison ces lourds lieux communs où l’on décide du sort des peuples : « Le Japon va leur tomber dessus. — Ça ne se passera pas comme ça. — La Russie se ressaisira. — Quand les Américains commencent une affaire. — Les Italiens, sur l’Adige… » Et là-dessus, la voix aigrelette de la petite fille de la maison, qui rédige ses devoirs et qui symbolise d’une phrase notre insondable et sereine ignorance : « Maman, Jérusalem, c’est en Italie ? »

— Le 14. Hier, gare du Nord, je demandai à louer une place. « Où allez-vous ? — À Dunkerque. » Cette ville est souvent bombardée par avion. Aussi l’employé de me répondre d’un ton détaché : « Oh ! Ce n’est pas la peine de louer. »

— Le 14. Le ministère Painleve est tombé le 13, à dix heures du soir. C’est le premier Cabinet mis en minorité depuis la guerre. Painlevé tombe victime de ses amitiés.

— Les enquêtes militaires sur les conversations « défaitistes » de Caillaux en Italie et sur le rôle de Malvy dans les mutineries du front concluent à l’inanité de ces deux accusations. Mais on tient cette impression secrète. Pour la seconde affaire, c’est bien