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d’abord ; on justifie ensuite, sur de nouveaux chefs d’accusation.

— Tristan Bernard, par analogie avec le terme « Limogé », dit que Cadorna a été « Palermé ».

— C… trace le tableau de l’Internationale des hauts métallurgistes qui, pour accroître les armements, avant la guerre, jetaient l’alarme dans la presse stipendiée. C’est ainsi que Krupp arrosait le Figaro. Et si ces traits se dévoilent et s’affirment après la guerre, quelle affreuse nausée soulèvera ces peuples jetés au carnage avec de grands mots, pour de bas intérêts !

— Le 9. Rencontré chez Victor Margueritte un sculpteur qui fut sous-lieutenant mitrailleur. À l’entendre, le militarisme allemand voulut se justifier en déclenchant la guerre. Il m’avoue qu’il ne peut plus produire, que la vue de son atelier le surprend : « Quoi ? C’est moi qui ai fait tous ces bonshommes aux gestes convenus ? » Il rêve d’un art épuré. Enfin, il crie son amour de la paix, qu’il a surtout senti la nuit, dans les tranchées, sous les étoiles.

— Le 10. La retraite italienne, la victoire maximaliste, exaspèrent les sentiments des chauvins. Ils offrent le spectacle pathétique de leur crainte furieuse et de leur désespoir résolu. On se croirait en août 1914. Plus que jamais, ils veulent « aller jusqu’au bout ». Et jamais ils n’ont moins vu le bout. « Quoi ? dit un chauvin devant moi, tout galonné, le teint verdi d’angoisse, quoi ? Si nous signions la paix maintenant, l’Allemagne sortirait grandie de cette guerre. Il faut donc poursuivre, jusqu’à pouvoir lui imposer des conditions économiques draconiennes. » Et pendant le repas, ce chauvin, tout en mangeant des grives, brandit la torche funèbre de la guerre inextinguible.