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plus haut placé. Il s’agissait d’Henri de Prusse. Briand posa ses conditions, stipula qu’il ne s’agissait pas d’une paix séparée, que le pacte de Londres serait respecté. On lui répondit affirmativement, en demandant toutefois de traiter de gré à gré avec les Russes. Ainsi prémuni, Briand vit Painlevé qui s’affola et le renvoya à Ribot. Ce dernier engagea Briand à rédiger une note anonyme. Méfiance de Briand qui écrivit une lettre — qui sera peut-être historique et qu’on dit fort belle — où, après des considérations générales, il exposait à Ribot l’affaire et la suite qu’il y voulait donner.

Mais Ribot, convaincu qu’on jouait Briand, et peut-être aussi partisan d’une longue guerre — le sang est le lait des vieillards — commit une sorte de faux. Il communiqua aux Alliés un résumé où il oubliait de nommer Briand et de spécifier que le pacte de Londres serait respecté. Les Alliés repoussèrent du pied ce vague chiffon. Trois jours après, de dépit, Von Kuhlmann déclarait que jamais l’Allemagne ne rendrait l’Alsace-Lorraine.

Le Parlement, décidément aveuli, ne s’est guère indigné du rôle de Ribot. Il s’est contenté de le glisser dehors.

— Il y a maintenant la fourragère rouge, couleur Légion d’Honneur. Quelle joie pour les passementiers, cette floraison diaprée de distinctions !

— Cependant, les revues théâtrales, fort à la mode, étalent des titres comme : La Revue excitante, La Revue des Mollets. On parle de rouvrir le restaurant nocturne de l’Abbaye de Thélème.

Et on voit sur les murs l’affiche d’une pièce du Grand Guignol : La Grande Épouvante. Mais il ne s’agit pas de la guerre. On a tout à fait oublié que la guerre est la Grande Épouvante.