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allemande, ajoutée à la réponse au Pape. On y parle avec une monstrueuse inconscience du sort de la Belgique, dont la neutralité fut farouchement violée. Mais, là encore, les Allemands désavouent cette Note. Vraiment, qui trompe-t-on ?

Courte soirée. Un clair de lune splendide baigne ce beau coin de Touraine.

L’après-midi du 29 est absorbée par une répétition des Noces Corinthiennes, la pièce de France mise en musique par Busser, chef des chœurs à l’Opéra, et qui travailla trois ans sur cet ouvrage. Yvonne Gall, de l’Opéra, chantera le grand rôle de femme. Il y a là, comme public, Courteline, sa femme, sa belle-sœur, le fidèle Dubiau et sa femme, M. et Mme Ingelbrecht, un inspecteur des finances nommé Lannoy et sa femme. Lucien Guitry, qui habite Luynes, devait venir. Mais il a neuf invités ! Au déjeuner qui précède l’audition à la Béchellerie, Anatole France porte un toast « à la Paix ». Et sur la discrète protestation d’une dame, il ajoute : « …et à la victoire ensuite ». Yvonne Gall et Busser, accompagnés au piano, déroulent l’opéra.

Courteline — dont l’œuvre fut si profondément antimilitariste — est envahi, paraît-il, par l’esprit cocardier. Il se lâche quand le communiqué est mauvais. Il roule son journal, jette la boule dans l’œil de sa femme, la patiente Marie-Jeanne, qui pleurnichant, défroisse le papier, s’essuie les yeux, relit le communiqué et, s’efforçant de tout arranger, sanglote : « Mais, mais… il n’est pas si mauvais que cela… »

France conte son départ de Versailles, fin août 1911, pour la Béchellerie, sur l’invitation pressante du préfet qui craignait l’invasion de Versailles et l’arrestation de France comme otage.

Nous commentons l’entrée en guerre de l’Amérique.