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choque, c’est l’opposition entre les petits raffinements de soins — les pêches intactes sur leur couche d’ouate, les hors-d’œuvre savants, les exigences minutieuses des dîneurs — et la hantise de la tranchée, des indicibles souffrances dans le souffle de la mort. Il me semble que la guerre a haussé à la centième puissance l’injustice sociale, le contraste entre la vie du privilégié et celle du prolétaire.

— Les Américains ont loué l’Hôtel des Réservoirs, à Versailles, pour trois ans.

— Publication du règlement sur le carnet de pain, applicable au 15 octobre. Beaucoup de gens sont malades, depuis qu’ils mangent ce pain. Certains le remplacent par des pommes de terre.

— Un inspecteur demande dans une école américaine : « Qui est-ce qui sait ce qu’est Viviani ? » Un élève lève la main : « Un ténor italien. »

— Violente campagne de presse contre le referendum pour l’Alsace-Lorraine. Ce serait, paraît-il, reconnaître le traité de Francfort. Mais quelle arme aux mains des Allemands, ce refus de consulter les populations ! On me dit : « Demanderions-nous à Brest s’il veut être Français ? » En tout cas, nous ne craindrions pas de lui le demander.

— Toujours les méfaits du pain noir. La France a la colique.

— La parole d’Erzberger : « Si je pouvais causer cinq minutes avec Lloyd George, la paix serait conclue », explique la répugnance de nos maîtres à une conférence internationale. Les malentendus pourraient tomber et aussi l’espoir d’une longue guerre. On ajoute que les gens en place ont peur que les socialistes ne fassent la paix les premiers, ne leur coupent les lauriers sous le pied. Mais nos gouvernants sont si peu pressés de les couper eux-mêmes que je ne crois guère à cette crainte ombrageuse.