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mées. Et puis, la disette menace tous les estomacs. Tandis que les pères d’enfants encore vivants sont peu nombreux dans la masse. Et enfin, la mentalité patriotique permet de dire : « Je veux du pain ». Elle interdit de dire : « Je veux mon fils. Je veux la paix. »

— Le 9. L’effort d’empêcher la réunion socialiste internationale de Stockholm a quelque chose d’effarant dans le grandiose. Ah ! La guerre à la paix est bien menée, elle ! Tous les moyens sont bons. On parle de refuser des passeports aux socialistes français. On les injurie crasseusement.

— Rendons-nous compte que l’Allemagne, comme l’Entente, est partagée en deux courants. Les dirigeants disent « paix avec annexions et indemnités ». Les socialistes : « paix sans annexions ni indemnités ». Cet antagonisme est le vrai drame de l’heure. Les dirigeants ont pour eux toutes les forces, ils sont dans la tradition, dans l’orthodoxie. Les socialistes représentent les souffrances populaires, les idées avancées, l’horreur de la guerre. Mais ils sont bâillonnés du fait même qu’on est en guerre.

— La déclaration d’une Ligue pangermaniste est identique, dans son texte, à celle d’une Ligue panceltique.

— Voici un chansonnier montmartrois qui raille l’Impératrice d’Autriche parce qu’elle veut la paix. Il dit que son prénom de Zita rappelle plus la rue de la Paix que la paix. Est-ce assez vulgaire, assez bas !

— Le 13. Rentrant à pied de Saint-Cyr à Versailles, je croise d’innombrables groupes de soldats. C’est le dimanche soir, la pénombre. Et je surprends malgré moi leurs propos. « Mon galon… — Ma situation… — Ma place… — Ma maladie… » Petits griefs, petits espoirs, petits soucis, chacun ne s’oc-